Les mystères du sommeil élucidés et conseils pratiques
Interview avec Joke De Wulf, thérapeute du sommeil
Ne sous-estimons-nous l’importance du sommeil ? Comment se fait-il que vous soyez parfois épuisé, mais que vous ne puissiez pas dormir ? Et quelle est la relation entre l’alimentation et le sommeil ? Joke De Wulf, thérapeute du sommeil, partage son point de vue et ses conseils pratiques.
À propos de Joke De Wulf
- Thérapeute du sommeil
- Thérapeute orthomoléculaire
- Psychologue
- Dans son cabinet, elle accompagne ses patients pour les conseiller en matière de fatigue, de troubles gastro-intestinaux et de problèmes de sommeil.
Sous-estimons-nous l’importance du sommeil ?
Tout ce qui a trait au sommeil constitue une science assez récente, car son fonctionnement et son utilité sont longtemps restés un mystère. Des expressions comme « Je dormirai quand je serai mort » montrent à quel point le sommeil était (et peut-être est encore) sous-estimé.
Au sein de notre Société, une certaine idée de la réussite est indissociable d’un horaire qui commence très tôt et se termine très tard. Dans ce scénario, le sommeil devient alors secondaire.
« Entre-temps, de nombreuses recherches ont été consacrées à l’effet du sommeil sur notre corps et notre cerveau. Et le sommeil est un des piliers les plus importants d’une bonne santé. »
Le sommeil s’organise en différentes phases :
- au cours du sommeil profond, c’est surtout votre corps qui récupère et vos cellules qui se renouvellent ;
- pendant le sommeil paradoxal (REM) ou « sommeil de rêve », un nettoyage mental et un nettoyage de votre cerveau interviennent.
Pendant la nuit, l’ensemble de notre corps récupère et les déchets sont éliminés. Ainsi, nous pouvons recommencer le lendemain en pleine forme. Le fait de ne pas dormir ou de dormir peu nuit à la récupération de votre organisme. Vous le remarquez assez rapidement : après seulement quelques nuits de mauvais sommeil, vous ne pouvez pas vous concentrer correctement, vous avez peu d’énergie et vous ne vous sentez pas au mieux de votre forme.
Pouvez-vous vous habituer à moins dormir ?
Cela pourrait être utile de s’entraîner à dormir moins, mais ce n’est malheureusement pas possible. La majorité des adultes ont besoin de 7 à 9 heures de sommeil. Seulement 3 % des personnes s’en sortent avec moins de 6 heures de sommeil, car leurs stades de sommeil sont différents. Et 3 % ont besoin de plus de 10 heures de sommeil.
Il est important de tenir compte de la quantité de sommeil dont vous avez besoin, car si vous dormez chroniquement moins que nécessaire, vous développerez des symptômes à long terme. Vous vous sentirez moins bien, tant physiquement que mentalement.
En vieillissant, nous avons effectivement besoin d’un peu moins de sommeil : un bébé dort plus qu’un adolescent, un adolescent dort plus qu’un adulte. Et un senior dort même un peu moins, mais la différence est infime.
De nombreuses personnes se disent « du matin » ou « du soir », et aimeraient y changer quelque chose, mais elles sont nées avec cette horloge biologique ou ce « chronotype ». Comme il est impossible de l’entraîner ou de le modifier, il est donc important de tenir compte du moment où vous vous sentez et êtes le plus performant.
« Notre société tient peu compte de celles et ceux qui sont « du soir ». La journée commence tôt et « le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt », telle est la vision sur laquelle repose notre société. Cette situation est difficile à vivre pour ceux qui sont du soir. »
Certaines tendances en matière de problèmes de sommeil se dégagent-elles ?
Les hommes présentent souvent des problèmes de sommeil liés au physique, comme l’obésité ou l’apnée. Les femmes souffrent un peu plus du stress et de l’inquiétude. Cependant, il est difficile de généraliser, car il y a évidemment aussi des femmes qui présentent des problèmes physiques et des hommes qui broient du noir.
Si vous dormez mal, vous pouvez vous faire examiner dans une clinique du sommeil. Pas moins de 80 troubles du sommeil peuvent y être détectés, notamment l’apnée du sommeil, le somnambulisme et les jambes sans repos. Et si l’examen de la clinique du sommeil ne donne aucun résultat ? Il peut alors être judicieux de poursuivre l’examen des causes auprès d’un thérapeute du sommeil. Chez de nombreuses personnes, les problèmes de sommeil sont liés au stress, aux inquiétudes, aux soucis et aux surcharges de travail. Les personnes qui dorment mal pour ces raisons placent souvent la barre très haut pour elles-mêmes.
La pandémie de coronavirus et toutes ses conséquences influencent-elles la qualité du sommeil de la population ? Quelle en est l’explication ?
Les recherches montrent que les problèmes de sommeil ont considérablement augmenté au cours de l’année écoulée. Plusieurs raisons peuvent être épinglées pour expliquer cette augmentation :
- La pandémie de coronavirus provoque des sentiments de perte de contrôle et d’anxiété qui exercent un impact important sur tout le monde et entraîne une mauvaise qualité du sommeil.
- En raison du travail à plein temps à domicile, les gens bougent moins et s’exposent moins à la lumière du jour.
« L’exercice physique et la lumière du jour sont deux piliers déterminants pour un sommeil de qualité. Et ce sont exactement deux piliers qui, pour de nombreuses personnes, sont fortement réduits, voire supprimés, par le travail à domicile. »
L’absence de lumière directe du jour sur votre visage tous les jours ou l’absence éventuelle de sortie pendant toute une journée aura de toute façon un impact sur votre sommeil. En effet, la lumière du jour exerce une influence importante sur la production de vos hormones du sommeil et est directement liée à la production de mélatonine. Si vous recevez suffisamment de lumière directe du jour dans la journée (en sortant, car s’asseoir près d’une fenêtre ne suffit pas), votre corps produira plus de mélatonine le soir.
Faire une promenade à l’heure du déjeuner est un réflexe sain pour mieux dormir le soir et éviter un petit creux dans l’après-midi. Que vaut-il mieux éviter lors de votre baisse de régime de l’heure du midi ? Faire une sieste, car cela brise la « pression du sommeil » dont vous avez besoin pour être fatigué à temps pour la soirée et pour bien dormir. Une sieste dans l’après-midi peut donc avoir un effet négatif sur le sommeil de la nuit.
« Nous accumulons la pression du sommeil tout au long de la journée : plus nous sommes éveillés, plus nous accumulons la pression du sommeil. Et nous avons besoin d’une pression de sommeil suffisante pour avoir cette sensation de paupières tombantes le soir et pour pouvoir nous endormir correctement. La sieste pendant la journée rompt cette pression du sommeil. Donc si vous êtes fatigué pendant la journée, il vaut mieux sortir, s’oxygéner et se donner un coup de fouet plutôt que de s’allonger sur le canapé. »
Comment se fait-il que parfois, alors que vous êtes épuisé, vous n’arrivez pas à dormir ?
Les principales raisons sont notre hormone du stress, le cortisol, et/ou l’instabilité de la glycémie
« Le cortisol est ce que nous appelons une hormone du stress et cela a une connotation négative, mais nous en avons besoin le matin pendant un petit moment pour entrer en action. »
Le cortisol est produit par les glandes surrénales et atteint son pic le matin. Il est important que ce cortisol diminue lentement tout au long de la journée et atteigne un minimum vers 19 ou 20 heures. Vers 21 heures, l’hormone du sommeil, la mélatonine, prend le relais. Mais si vous êtes sous pression pendant la journée et que vous devez encore faire mille et une choses en rentrant chez vous, il est possible que votre taux de cortisol reste élevé. Vous êtes peut-être physiquement fatigué après une journée chargée, mais en raison du taux élevé de cortisol, votre corps n’est pas en mode sommeil, mais en mode « combat ou fuite ». Et un corps qui est en mode combat ou fuite ne peut pas se détendre.
Voici quelques conseils importants :
- Prévoyez également de courtes pauses de 5 minutes tout au long de la journée. Après avoir travaillé pendant une ou deux heures, sortez et faites un petit exercice de respiration ou de méditation.
- Arrêtez le travail à l’heure prévue et organisez calmement votre journée
- Les substances naturelles que vous pouvez prendre avant de vous coucher et qui calment votre système nerveux sont le magnésium et l’ashwagandha. L’ashwagandha permet également d’équilibrer le cortisol : si vous en avez trop, l’ashwagandha le fait baisser, si vous en avez trop peu, il vous remonte le moral.
Qu’est-ce que cela signifie si vous vous réveillez toujours à la même heure la nuit ?
Selon l’horloge organique chinoise (issue de la médecine chinoise), chaque organe est plus actif à une certaine heure du jour ou de la nuit :
- Entre 23 heures et 1 heure du matin : vésicule biliaire
- Entre 1 et 3 heures du matin : foie
- Entre 3 et 5 heures : poumons
- Entre 5 et 7 heures : gros intestin
Il y a aussi des émotions associées à ces organes. Par conséquent, s’il apparaît que ces organes sont en bonne forme, cela peut être dû à une émotion. Pour le foie, il s’agit de la colère et de la rage, pour les poumons, de la tristesse, et pour le côlon, la culpabilité. Dans le cadre d’une thérapie du sommeil, il est toujours important d’avoir une vue d’ensemble du tableau clinique : comment vous sentez-vous et comment gérez-vous vos émotions ? L’hygiène du sommeil et la nutrition sont également importantes.
L’hygiène du sommeil consiste à examiner comment créer un bon environnement de sommeil :
- Quand dois-je boire du café ou de l’alcool ?
- Quand dois-je utiliser des écrans et quand dois-je cesser de les utiliser ? La lumière bleue des écrans a un effet négatif sur la production de mélatonine.
- Comment se passent ma journée et ma soirée ? Me ménagé-je fais suffisamment de pauses, me suis-je acquitté de suffisamment de tâches pendant la journée ?
- Quand prends-je une douche ou un bain ?
- Quand pratiqué-je du sport ?
Pourtant, certaines personnes créent les conditions de sommeil idéales et ne parviennent toujours pas à s’endormir. Cette difficulté est en relation avec le « lâcher-prise »...
« Créer les conditions de sommeil idéales est une chose. Mais au moment de vous glisser sous la couette, vous devez abandonner tout contrôle. Parce que dormir, c’est lâcher prise et ne rien faire. »
Quelle est la relation entre le sommeil et la nutrition ?
Le lien entre le sommeil et la nutrition est votre glycémie. Si votre glycémie est trop élevée au moment où vous voulez vous endormir, votre corps est encore en pleine action. Vous débordez encore d’activité pour faire baisser le taux de sucre dans le sang. Impossible de s’endormir immédiatement avec une glycémie élevée.
Si votre taux de glycémie est très fluctuant pendant la journée, il le sera aussi la nuit. Il est alors possible que votre taux de sucre dans le sang baisse trop et que vous fassiez de l’hypoglycémie. Votre corps vous réveille alors comme une réponse de survie.
« Il est important de maintenir votre glycémie aussi stable que possible pendant la journée afin de pouvoir passer une nuit complète. »
Limitez donc la consommation de sucres pendant la journée. Limitez également la consommation de caféine ou déplacez-la le plus possible vers le matin. Ajoutez surtout des graisses et des protéines saines à votre alimentation, car elles permettront de maintenir l’équilibre de votre glycémie.
Le tryptophane joue également un rôle important dans la nutrition, car il est le précurseur de la sérotonine qui est elle-même précurseur de la mélatonine. Le tryptophane est un acide aminé que nous ne produisons pas nous-mêmes et que nous n’acquérons que par l’alimentation ou la supplémentation. On la trouve dans le cacao, mais il ne faut pas en manger le soir, car il contient aussi de la caféine. En revanche, c’est très bien le matin au petit-déjeuner. On en trouve dans la banane, l’avoine, la volaille, le riz brun et les noix. Il est donc bon de les mettre au menu pour que vous puissiez produire cette mélatonine avec suffisamment de tryptophane.
Si vous avez faim le soir avant d’aller dormir, que devez-vous manger ?
- Un œuf : à la coque ou au plat, il contient des graisses et des protéines saines. C’est un coupe-faim parfait : il est léger et n’entraîne pas de pic de glycémie.
- Une poignée de noix
- Un (demi-)avocat
Les aliments contenant des graisses et des protéines saines sont plus appropriés qu’un sandwich ou un fruit, car ils font monter plus rapidement le taux de sucre dans le sang et le font redescendre pendant la nuit.
Que faire si vous savez que vous ne dormez pas assez, mais que vous n’avez pas la discipline d’aller vous coucher à l’heure ? Qu’entend-on par « revenge bedtime procrastination »?
La procrastination vengeresse du coucher est un concept qui nous vient d’Asie, car les journées de travail y sont très longues. En effet, on y travaille jusqu’à 21 heures ou plus. Et si vous devez vous coucher à 22 heures et vous lever à 7 heures du matin, vous n’avez pas de temps pour vous. Par conséquent, l’heure du sommeil est retardée.
Si vous n’arrivez pas à vous endormir à l’heure, c’est peut-être parce que votre journée de travail est longue ou chargée, et que vous souhaitez trouver un équilibre entre votre temps libre et votre travail. Il prend ainsi le pas sur votre sommeil. Il en résulte un déficit chronique de sommeil, car il n’est pas possible de rattraper le sommeil pendant les week-ends.
« Il est impossible de rattraper le sommeil perdu. Vous dormirez toutefois plus profondément, ce qui permettra à votre corps de mieux récupérer, mais si vous restez au lit très longtemps, tout votre rythme va changer. Vous déréglez complètement votre système hormonal du sommeil et si, par exemple, vous voulez vous coucher tôt le dimanche soir, vous ne pouvez trouver le sommeil. Vous souffrez en fait d’un décalage horaire parce que vous avez modifié tout votre rythme pendant le week-end.»
Si vous avez l’habitude d’aller dormir trop tard, examinez votre soirée. Passez-vous beaucoup de temps à travailler ou devant des écrans ? Cela bloque la production de mélatonine. Vous ne vous mettrez pas en mode sommeil et vous aurez l’impression de pouvoir continuer pendant longtemps.
Astuce : testez ce qui se passe si vous éteignez tous les écrans à 21 heures ? Lisez un livre, faites un puzzle, marchez ou faites du yoga, à condition qu’il n’y ait pas d’écran. Ne buvez pas de café ou de cola le soir et terminez la soirée dans le calme. Vous pouvez également prendre une douche, mais évitez de prendre un bain, car cela augmenterait trop la température de votre corps. Et qui sait... peut-être que cette sensation de somnolence se manifestera plus tôt et que vous n’êtes finalement pas quelqu’un « du soir »…
Par où commencer pour reconstituer votre stock d’énergie si vous avez la sensation de manquer d’énergie depuis un certain temps ?
Si vous avez accumulé un manque de sommeil chronique, une seule bonne nuit de sommeil ne suffit pas. Il est important d’examiner ce qui est à la base de ce manque de sommeil chronique. On le voit par exemple chez les personnes qui ont eu le coronavirus : quand elles sont malades, elles dorment énormément. Le corps économise son énergie pour combattre le virus. Mais une fois l’infection aiguë passée, ces personnes risquent de devenir insomniaques. Leur système immunitaire reste très actif, mais le tryptophane n’est plus converti en mélatonine, mais en kynurénine. Comme ils sont trop peu de mélatonine, ils ne peuvent plus s'endormir correctement. Dans ce cas, il est important de soutenir le système immunitaire par un repos suffisant et des nutriments bien connus : vitamine C, zinc, sélénium et arabinogalactanes. Si vous restez fatigué pendant une longue période, il est préférable de consulter un thérapeute pour vous aider à rétablir votre système immunitaire.
Si vous êtes très fatigué, mais que vous ne parvenez toujours pas à bien dormir, il est également possible que vos glandes surrénales soient trop sollicitées. Elles produisent alors trop d’hormones de stress (adrénaline et cortisol). Votre corps est en état de vigilance absolue et vous ne pouvez pas dormir. Si ce stress chronique vous accompagne pendant trop longtemps, vos glandes surrénales ne produiront plus de cortisol. Vous pouvez alors développer un épuisement professionnel (burnout) ou un syndrome de fatigue chronique.
Que devons-nous tous savoir sur le sommeil ?
- Tout le monde n’a pas besoin de 8 heures de sommeil, c’est entre 7 et 9 heures pour la majorité de la population. Ne vous braquez donc pas sur ces 8 heures ou à ce que dit votre smartwatch, mais vérifiez plutôt comment vous vous sentez. Vous vous sentez plein d’énergie ? Ou non ? Et quelle en est la cause ?
- Il est parfaitement normal que nous nous réveillions de temps en temps pendant la nuit, ces interruptions sont déterminées par l’évolution. Notre corps fait en sorte que nous puissions vérifier si tout est sûr la nuit. Nous entrons ainsi 3 à 4 fois par nuit dans une phase de sommeil où nous nous réveillons facilement, ce qui n’est pas anormal. Ce n’est que lorsque vous restez éveillé pendant plus de 15 minutes qu’il est utile de voir ce que vous pouvez faire.
Quels sont vos meilleurs conseils et astuces pour bien dormir ?
- La lumière du jour est très importante pour bien dormir.
- L’exercice est également important et il n’est pas nécessaire qu’il soit intensif, la marche, le vélo ou le yoga peuvent aider.
- Maintenez votre glycémie stable et ne mangez pas trop de sucres. Avez-vous du mal à vous passer des sucres ? Dans ce cas, des substances comme le chrome, la cannelle et la berbérine peuvent réduire ces fringales et vous aider à stabiliser votre glycémie.
- Si vous vous inquiétez beaucoup, il peut être utile de commencer une thérapie du sommeil, de la pleine conscience ou des exercices de respiration.